Les traders

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Maquette, à l'échelle, réalisée par Lionel Cormier.
Le Copaco a desservi la Côte de 1946 environ, aux années 1960.

« Connaître les collectivités dans lesquelles ont vécu nos ancêtres, c'est connaître notre propre histoire. »


Jusqu'en 1950, la navigation marchande a occupé une place importante dans la vie des résidents du village. Des bateaux anciennement appelés (traders) connus aussi sous le nom de (caboteurs) desservaient les villageois en victuailles de toutes sortes. Leurs visites n'étaient pas fréquentes, parfois au mois et rarement aux quinze jours. Dans ce temps-là, les gens se nourrissaient plus particulièrement de viande de bois, de poisson et des légumes du jardin, mais comme nul n'a jamais arrêté le progrès, les traders auront tôt fait d'être les investigateurs d'une nouvelle forme de consommation.

Saint-Victor de la rivière-aux-graines, petit bastion naturel abritant une dizaine de familles, ne fit pas exception à la règle. Occasionnellement, les gens commencèrent à se procurer de la nourriture en boîte. Des « maudites cans » comme disait mon grand-père Philippe Henley. Mais il n'y avait pas que les maudites cans, il y avait aussi des denrées de grande importance telles : lard, farine, graisse, beurre, sucre, mélasse, etc.

Rodrigue Pinette se souvient d'un bateau bleu foncé ou noir de 60 ou 70 pieds de longueur, qui mouillait au large de l'Île du Havre (L'île qui aujourd'hui arbore la grande croix devenue le symbole de notre petit village). Rodrigue n'a pas souvenance du nom du bateau ou même de celui de son capitaine, compréhensible, étant donné son jeune âge fin des années 40. Cependant, il se souvient de voir ses parents Fabien Pinette et Bernadette Ellement, accompagnés de la grand-mère Malvina Ringuette, se rendre au bateau en chaloupe pour récupérer parfois un petit cochon, parfois un veau.

L'intention des acheteurs étant d'en retirer une quantité de viande appréciable l'automne venu, l'exercice se devait d'être supervisé d'une façon consciencieuse. « Il y avait deux personnes qui travaillaient sur ce bateau et à bord on pouvait même acheter du foin » me lance Rodrigue. Selon des informations non officielles obtenues d'anciens résidents et d'autres recueillies à même Internet, il est possible que ce bateau ait été celui de la famille Jourdain.

Rivière-aux-Graines comme les autres villages du littoral nord-côtier a été desservit par d'autres traders, certains bateaux plus petits, d'autres peut-être un peu plus grands. Je pense aux frères Lelièvre de Rivière-au-Tonnerre, John William et Ernest qui durant plusieurs années firent le commerce de denrées alimentaires par bateau. Ernest Lelièvre était propriétaire d'un magasin général à Rivière-au-Tonnerre, aidé de son frère, il desservait les petites agglomérations, permettant ainsi de majorer un revenu de commerce déjà existant.

La plupart du temps les transactions avec les frères Lelièvre se faisaient directement sur les bancs de pêche, avec les pêcheurs qui souvent, par manque d'argent, payaient les victuailles en troquant leur poisson. Comme vous pouvez le constater il y avait des traders qui pratiquaient comme magasin général flottant, d'autres en plus, offraient le service d'échange avec du poisson.

Il y a eu aussi d'autres sortes de traders, je pense maintenant au Copaco piloté par le capitaine Louis Cormier. Ce bateau avait pour habitude de mouiller au large de Rivière-aux-Graines lorsque la météo le permettait. Lionel Cormier de Havre-St-Pierre, neveu du capitaine m'apprenait récemment : « Le Copaco était un `trader`, ou caboteur qu'on disait, acheté par le capitaine Louis Cormier de Havre-Saint-Pierre après la guerre. Il a été construit à Port-Menier pour desservir les postes autour de l`île. CO PA CO  COnsolidated PAper COmpany.

Gilles Vigneault en parle dans TI-Paul la Pitoune (embarqué sur le Copaco). Il faisait aussi la chasse aux loups-marins le printemps. « Oncle Louis desservait plutôt les commerces, il était connu pour rendre service aux gens ». Gilles Vigneault mentionna un jour à Lionel qu'il avait bien apprécié le capitaine Louis Cormier, ayant eu à s'embarquer à plusieurs reprises sur son bateau lorsqu'il étudiait à Rimouski.

Et qui n'a pas entendu parlé de la fameuse goélette de Saint-Pierre et Miquelon, Mon père se rappelle que pour une grosse can de deux gallons et demi de whisky, la transaction se faisait en offrant un petit flétan. Un jour une des ces goélettes fit nauffrage un peu à l'ouest de Pigou, la cargaison du navire se retrouva sur les plages ce qui fit la joie de nombreux riverains.