La tempête à Dignard

Entre 1934 et 1936, une tempête sans précédent selon les gens qui l’ont vécu s’est abattue sur la Minganie.

À Rivière-aux-Graines, cette tempête a eu comme ailleur dans la région, une allure de ras de marée. Cette journée-là une barge d’une longueur respectable se trouvait face vers le bas sur le terrain de Jos Ringuette Père, terrain aujourd’hui occupé par Gaétan Henley. Cette barge, dans la tempête, a été retournée par le vent et les vagues qui se rendaient jusque-là avec une intensité effrayante.

(Information à confirmer)
Certaines personnes ont rapporté que durant cette tempête, une baleine se serait échouée dans les environs de Cap Cormoran et que bien des années plus tard les ossements étaient encore sur place. Ces os de baleines étaient sur une élévation inatteignable avant cet événement. Plus jamais un tel déchainement des forces de la nature ne fut rapporté sur la Côte-Nord.

Un homme a donné son nom à cette tempête, Albert Dignard de Rivière-au-Tonnerre. Son fils Laurent, âgé aujourd’hui de 72 ans, n’était pas encore né, mais il se souvient d’entendre son père et sa mère parler de cette nuit d’horreur. « Mon père était le pêcheur le plus téméraire de Rivière-au-Tonnerre mentionne monsieur Dignard, jamais une tempête ne l’a fait rebrousser chemin lors d’un voyage à l’île d’Anticosti, mais après cette aventure il était beaucoup plus respectueux des forces de la nature. Mon père et mon frère Patrick ont vu la mort de très près ».

Extrait du livre, du cometique à L'AVION

cometique“La mer est l’école de la méditation. Le pêcheur tout seul, séparé de l’abîme par l’épaisseur d’une planche, se dit qu’il est bien petit en face de l’immensité, que Dieu est bien grand puisqu’il renferme dans son sein incommensurable la triple merveille de la profondeur des eaux, des horizons et des cieux”


Ce n’est pas lui qui oubliera d’élever son coeur vers Dieu pour l’action de grâce dans le succès, comme pour l’appel au secours dans le péril. Un fait entre mille... Un soir, des télégrammes dictés dans les presbytères de la baie Ellis, île d’Anticosti, et de la Rivière-au-Tonnerre, se croisent chargés des soucis de tous les voisins au sujet d’une barge, celle d’Albert Dignard, mouillée le matin dans la baie Sainte-Claire, et disparue. Est-elle perdue? où est-elle?


Albert Dignard et son fils ont passé la nuit comme d’habitude dans la cabine de leur barge. Tout à coup une violente tempête se lève. Le vent est mauvais, soufflant du sud, il agit sur la barge dont le seul câble qui la retient à l’ancre est brisé. Elle s’en va à la dérive. Ni le moteur, ni la voile ne peuvent la rapprocher de terre. Une seule manoeuvre reste : laisser le petit bateau filer au gré des vents, dans une mer déchainée, au milieu de vagues énormes qui menacent de l’engloutir à chaque instant!


Le pauvre capitaine tient le gouvernail, l’oeil tendu sur les vagues, craignant de donner un faux coup de barre. Il ordonne à son jeune fils de demeurer dans la petite chambre, et de s’y livrer à une fervente
prière. C’est Dieu qui va conduire la barque. Six longues heures! Et l’on aperçoit la rive nord : Père, dit l’enfant qui regarde anxieux au devant de lui, voyez donc comme la terre paraît blanche là-bas!


“ On est à un mille seulement du rivage tourmenté et la barge se dirige toujours vers le gouffre : Continue à prier, mon enfant, dit le père. Mettons notre confiance en Dieu et en la Vierge Marie”.


Pendant toute la traversée de vingt-quatre milles, Albert Dignard ne pense plus qu’à la mort qui l’attend sur les brisants tout proches. Soudain une pluie torrentielle, accompagnée d’une brise légère du sud-ouest, modifie totalement la situation. Un calme relatif permet au marin, encore conscient de hisser un reste de voile et de voguer au gré d’une nouvelle brise. Le lendemain seulement, on vit une barge étrangère mouillée en face de Magpie, à onze milles du port cherché. Une maladie de coeur dû aux émotions trop fortes de ce jour entraîna bientôt la mort du jeune Dignard!